Waterfront, le nouveau visage de Toronto

L’an dernier, Toronto a décroché le titre de Communauté intelligente de l’année, décerné par le regroupement Intelligent Community Forum (IFC) Mais contrairement aux villes qui atteignent d’habitude ce palmarès grâce à leur système de réseautage internet à échelle de leur territoire, c’est pour un projet bien plus ambitieux qu’elle a été primée.


Celui-ci s’appelle Waterfront Toronto (WT) et si vous avez récemment été de passage en ville, vous aurez pu constater son ampleur. Vrai pôle technologique, mais aussi urbain, économique et social, WT montre un remarquable cahier des charges: réhabiliter les docks de la ville (longtemps oubliés en raison du déclin industriel) et en faire un cœur névralgique sans précédent, capable d’attirer massivement les cerveaux, les talents et, bien sûr, les investisseurs. WT a en effet de quoi faire pâlir: un accès abordable et illimité à une vitesse de connexion Internet rapide grâce à la fibre optique; un portail technologique (New Blue Edge Portal), conçu en partenariat avec IBM, capable de donner de l’information actualisée sur la météo, les transports ou l’utilisation de l’eau; mais aussi un Wi-Fi gratuit, présent dans plusieurs zones de ce quartier géant.

Une vocation claire

Waterfront compte bien envoyer un message clair et inspirer d’autres initiatives urbaines au Canada, partout où le rapport à l’eau a trop longtemps été négligé. L’objectif est de créer une communauté de bord de l’eau aux vocations multiples, où des infrastructures intelligentes permettent aux gens de prospérer et procurent aux entreprises des avantages compétitifs. C’est sans doute ce mélange de genres qui fait la beauté du projet, là où le développement urbain, le monde des affaires, les arts et l’écologie se côtoient dans un mouvement de revitalisation urbaine assez unique.

Plusieurs œuvres et aménagements font déjà partie de ce nouveau visage torontois, comme l’installation Wavedeck, longue promenade de bois ondulé conçue par Simcoe en référence aux cottages des grands lacs ontariens et qui a reçu le prix du design du Waterfront. L’eau comme inspiration spatiale est bien sûr le leitmotiv architectural du projet d’aménagement, jusqu’à investir les différents jardins (qui rappellent les jardins thématiques du High Line de New York).

Une tendance globale

Mais la réhabilitation de WF fait écho à un mouvement de plus grande échelle. En effet, d’autres projets similaires voient le jour, comme à Kingston ou à Saint John’s, des lieux où l’accès à l’eau a longtemps été associé à l’industrialisation et au commerce, puis largement négligé, oubliant le lien que les habitants pouvaient entretenir avec cet élément.

La grande question qui se pose pour le Waterfront est celle de la gentrification: ces aménagements vont-ils attirer tellement de capitaux qu’il sera impossible pour les nouvelles familles de se loger et, donc, de profiter de ces améliorations? Le WF est-il voué à un avenir purement orienté vers les affaires? Même si le risque est là, les mesures qui vont à contresens abondent. Alors que les parcs et aires de jeu bourgeonnent, des projets de logements à prix modiques tiennent en partie la barre de cet imposant bateau, pour voguer vers l’idéal citadin que semble incarner le projet. Le Waterfront sera-t-il le modèle d’utopie urbaine dont de plus en plus de citadins rêvent?