Commémoration de l’incendie de Matheson, une histoire familiale

Le feu a des caprices qu’on ne s’explique pas. Il va sur les plus hauts sommets, arrache le bleu du ciel, se répand en rougeoiement, en gonflements, en sifflement, dieu tout-puissant, il s’élance sur tout ce qui est vivant, saute d’une rive à l'autre, s’enfonce dans les ravins gorgés d’eau, dévore les tourbières, mais laisse une vache brouter son herbe dans un rond de verdure. Que peut-on y comprendre? Le feu, quand il atteint cette puissance, n’obéit qu’à lui-même.

– Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier

 

Bob et Maggie savaient qu’ils n’avaient pas beaucoup de temps. Le feu faisait rage de l’autre côté du lac et se dirigeait vers eux; il s’agissait d’un énorme incendie. Un petit lac ne fait pas le poids face à un incendie forestier. Le feu saute d’une rive à l’autre en menant partout sa chaleur étouffante, comme s’il n’existait aucun obstacle.

Les flammes les avaient presque rejoints; la fumée obscurcissait le ciel et ils pouvaient entendre le rugissement du feu. Pas de voiture. Pas de téléphone. Aucun premier répondant pour assurer le sauvetage aérien.

Ils supplièrent leurs voisins qui avaient décidé de se cacher dans la cave de leur maison, mais en vain. Bob et Maggie quittèrent leurs voisins et se dirigèrent vers le lac. Ils pataugèrent dans l’eau jusqu’à hauteur de la poitrine, puis Bob dit à Maggie de se préparer à retenir son souffle et à plonger la tête sous l’eau à son signal.

Robert et Margaret Fyfe

À l’époque, en 1916, mon grand-oncle Bob et ma grand-tante Maggie (Robert et Margaret Fyfe), frère et sœur, étaient de nouveaux immigrants venus d’Écosse. Ils étaient au chalet de Bob, près d’un lac à proximité de Matheson, dans le nord de l’Ontario. Ils ignoraient alors qu’ils se trouvaient au centre d’un événement qui deviendrait l’une des pires catastrophes naturelles de l’histoire du Canada.

[caption id="attachment_3249" align="alignright" width="275"]thumb-fire-275x160-iroquoisfallschamber Image provenant de la Chambre de commerce de la ville d'Iroquois, On.[/caption]

Imaginez une forêt de la taille des villes de Toronto, Mississauga, Brampton, Vaughan, Richmond Hill, Markham et Pickering combinées... 2 000 kilomètres carrés, soit 490 000 acres. Imaginez que cette forêt est complètement ravagée, tout comme les communautés de Porquis Junction, Iroquois Falls, Kelso, Matheson et Nushka, et que les collectivités de Homer, Montieth et Cochrane sont dévastées. Le front de l’incendie faisait plus de 60 km. Maintenant, imaginez que vous êtes au cœur des bois, où vous pouvez voir et entendre les flammes foncer vers vous à une vitesse de 40 à 60 km/h.

Que faire?

Bob et Maggie se dirigèrent vers le lac. Dans l’eau à hauteur de la poitrine, Bob a attendu jusqu’au dernier moment pour donner le signal à sa sœur, alors que les flammes couraient sur la surface du lac. Ils plongèrent sous l’eau et retinrent leur souffle aussi longtemps que possible pendant que le feu passait au-dessus de leur tête. Maggie sortit sa tête de l’eau en premier, imitée par Bob. La fumée et la sève ardente brûlèrent les yeux de Maggie, qui devint aveugle. Mais ils ont survécu.

Les voisins qui s’étaient réfugiés dans la cave de leur demeure ont tous péri. En tout, 223 personnes ont perdu la vie lors du terrible incendie de 1916, le plus dévastateur de l’histoire du Canada. Il s’agissait du bilan officiel, mais certaines estimations annonçaient un nombre de décès bien supérieur.

Le 29 juillet 2016 correspond au 100e anniversaire de l’incendie de Matheson. Cette année restera aussi dans les annales à cause de l’incendie de Fort McMurray.

Nos pensées accompagnent toutes les victimes de ces incendies, ainsi que les pompiers et les premiers répondants qui combattent partout au Canada. Nous saluons le courage et la résilience de Bob, de Maggie et de tous ceux et celles qui ont été victimes des incendies récents.

Voici quelques conseils à retenir :

En cas d’incendie de forêt, suivez les directives des autorités compétentes, contactez votre assureur habitation lorsque vous pouvez le faire et mettez-vous à l’abri.

Assurez-vous que vous avez une trousse de secours à la maison.

Appelez votre assureur pour vous assurer que vous avez la couverture adéquate correspondant à vos besoins.

Préparez l’inventaire du contenu de votre résidence et conservez cette liste dans un endroit sûr hors site, comme un coffret de sûreté.